<<
>>

ВЫПИСКА ИЗ ПИСЬМА НЕИЗВЕСТНОГО К НЕИЗВЕСТНОЙ (1854)

Non, mille fois non, ce n'est point ainsi que nous aimions notre pays dans notre jeunesse. Nous voulions son bien- Stre, nous luii desirions de bonnes institutions, nous allions meme parfois jusqu'a Luii souhaxter un peu plus de liberte si faire se pouvait; nous le savions grand et puissant, plein d'avenir;.

mais nous ne pensions pas, ni qu'il fut le pays du monde le plus puissant, ni plus fortune. Nous 6tions loin de nous imaginer que la Russie representat je ne sais plus quel principe abstrait, renfermant la solution definitive du probleme social, qu'elle constituat к elle seule tout un monde a part, heritier direct et legitime du glo- rieux Empire d'Orient, ainsi que ses titres et vertus; qu'elle eut pour mission speciale d'absorber dans son sein tous les peuples slaves et d'operer par ce moyen la regeneration du genre humain;. nous ne pensions pas surtout que l'Europe fut sur le point de retomber dans la barbarie et que nous fussions charges de sauver la civilisation avec les quelques lambeaux de cette meme civilisation qui avaient servi naguere a nous tirer de notre antique torpeur. Nous traitions l'Europe avec civilite, voire meme avec respect, car nous savions qu'elle nous avait enseigne beaucoup de choses, et entre autres, notre propre histoire. Lorsqui'il nous ar- rivait par hasard d'en triompher, comme Pierre le Grand, nous disions, c'est a vous Messieurs que nous le devons. Et voila comment un beau jour nous arrivames a Paris et qu'on nous у fit l'accueil que vous saves, oubliant pour un moment que nous n'etions au fond que de jeunes parvenus et que nous n'avions rien verse encore dans la caisse commune des nations, pas meme un pauvre petit systeme solaire, comme les Polonais nos sujets, pas meme quelque miserable algebre, comme ces Arabes infideles, dont nous combattons aujourd'hui la religion absurde et barbare. On nous traitait bien parce qu'on nous trouvait des manieres de gens bien eleves, parce que nous etions polis et mo- destes, comme il convenait de l'etre a de nouveaux vonus, sans autre titre a l'estime publique qu'une taille avanta- geuse.
Vous avez change tout cela, soit; mais laissez-moi, je vous prie, aimer mon pays a la fagon de Pierre le Grand, de Catherine et d'Alexandre. Le temps n'est pas loin, je Tespere, ou l'on trouvera peut-etre que ce patriotisme-la en vaut bien un autre.

выписка из письма неизвестного к неизвестной 319

Remarquez que tout gouvemement, en outre de ses tendances particulieres, possede les instincts de sa nature, comme force animee et intelligente, destinee a vivre et a agir; il se sent par exemple, ou il ne se sent pas арриуё par ses gouvernes. Or, le gouvemement russe se savait cette fois parfaitement d'accord avec le voeu general du pays; de la en grande partie l'etourderie fatale de sa politique dans la crise actuelle. Qui ne sait que la reaction pretendue nationale etait arrivee parmi nos nouveaux docteurs a Tetat de veritable monomanie! II ne s'agissait plus, comme autrefois, ni de la prosperit6 du pays, ni de civilisation, ni du progres quelconque; il suffisait d'etre russe: ce titre seul renfermait tous les biens imaginables, le salut у compris. On crut avoir decouvert dans le fond de notre riche nature toutes sortes d'el?ments merveilleux, ignores du reste de l'univers; on se mit a repudier tout ce que l'Europe nous avait enseigne d'idees s?rieuses et fecondes, on pretendit inaugurer sur le sol de la Russie tout un ordre moral nouveau qui nous releguait dans je ne sais plus quel orient chretien, invent^ pour notre usage particulier, sans se douter le moins du monde qu'en nous isolant moralement des peuples de l'Europe, nous nous en isolions aussi politiquement, qu'une fois notre frater- nite avec la grande famille europeenne rompue, nul d'entre ces peuples ne nous tendrait la main a 1'heure du danger. Enfin, les plus vaillants entre les adeptes de la nouvelle ecole nationale, n'hesiterent pas a saluer dans la lutte ou nous nous trouvions engages, la realisation de leurs utopies retrospectives, I'aurore de notre retour au regime tutelaire abjure par nos peres dans la personne de Pierre le Grand* Trop illetre, trop futile, pour apprecier ou meme pour dechiffrer ces doctes hallucinations, le gouvemement ne les approuvait guere, je le sais; parfois meme il lancait au hasard quelque coup de pied brutal aux plus avances ou aux moins prudents de la beate cohorte, mais il n'en etait pas moins convaincu que le jour ou il jeterait le gant a l'Occident impie et dechu, les sympathies de tous les nouveaux patriotes qui prennent leurs etudes inachevees, leurs voeux inarticules, et leurs vagues espoirs pour la veritable politique nationale, ne lui failliraient point, pas plus que l'entrainement docile de la foule, toujours complice de tous les reves patriotiques d?bites dans l'idiome banal usite en pareille occurance. Et voil^ comment un beau jour l'avant-garde de l'Europe se trouva en Crimee,

<< | >>
Источник: П.Я.ЧААДАЕВ. Полное собрание сочинений и избранные письма. Том1 Издательство  Наука  Москва 1991. 1991

Еще по теме ВЫПИСКА ИЗ ПИСЬМА НЕИЗВЕСТНОГО К НЕИЗВЕСТНОЙ (1854):