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LEIBNIZ A JOACHIM BOUVET1 Berlin, 18. Mai 1703  

Mon Trfes Rev?rend Рёге

La lettre de Vostre Rev6rence datee Рёкт le 4mc Novembre 1701 m'a este rendue le 1 d'Avril de Tan 1703, par les soins du Tres R. P. Gobien. Je suis ravi d'apprendre que V.

R. se porte bien, et que les affaires des Europ^ens vont bien к la Chine, puisque le prog^s de la Religion Chrestienne у est int6ress6. Mais je ne puis me dispenser de vous exhorter avec vos compagnons de profiter du temps favorable un peu plus qu'on n'a fait jusqu'icy, pour nous faire avoir en 6change des nos- tres les belles connoissances des Chinois, surtout dans les arts. Car un endroit de vostre lettre me fait juger que la bonte qu'on у a pour les estrangers s'y refroidira extremement un jour, quand on croira qu'on n'en aura plus tant besoin. C'est l'endroit ой vous dites[,] mon R. P.[,] que l'Empereur depuis quelques ann?es, ayant acheve de se satisfaire sur ce qu'il desiroit savoir de laTheorie de nos sciences, ne donne plus la meme facilite aux Europ6ens de l'entretenir sur ces matiamp;res. De sorte qu'il importe extremement de travailler к 1'Histoire des Arts de la Chine sans delay, tant qu'on en a le moyen; d'autant plus qu'il est plus aise a eux d'apprendre nos sciences et connoissances qu'a nous d'apprendre les leurs, tant parce que les nostres consistent plus dans le raisonne- ment, et les leurs plus dans Гехрёпепсе, que parceque les nostres sont publiques pour la plus part, mais les chinoises ne sont gueres connues que des gens de profession, et s'y continuent comme par tradition. Je crois que vous pourries int?resser adroitement l'Empereur meme dans cette recherche des arts; luy faisant connoistre que le moyen de perfectionner les arts de son pays est d'en donner des descriptions, et par ce moyen on pourra voir ce qui manque aux Chinois, pour le suppleer par le secours des Europeens. Item, qu'il importe d'avoir un dictionnaire parfait ou plus tost plusieurs qui composent un parfait, qui contienne tous les caracteres encor particuliers a chaque profession, et qu'il importe aux Tar- tares, que les Chinois ne leur cachent plus rien.
Or к 1'occasion des termes, quand il s'agira de les expliquer, on donnera les figures des choses naturelles et artificielles et les descriptions des practiques ou secrets. РагйсиНёгетет[,] Mon T. R. P.[J je vous supplie de m'obtenir une description aussi distincte qu'on pourra, touchant la manufacture de toute sorte de papier de la Chine, et les manieres de l'embellir. Les types dont ils se servent pour imprimer leur caracteres, de quoy sont ils faits? Autres fois Monsieur van Helmont le fils me disoit, qu'ils en avoient faits d'une lacque ou vernis dans le quel ils gravoient aisement ces caracteres, pendant qu'il estoit encor moi, mais que puis il s'endurcissoit comme du bois. Cela seroit commode. Je souhaiterois aussi d'apprendre s'ils n'ont pas des bons moyens de munir le cuir, ou quelque etoffe en sorte que l'air et l'eau n'y puissent point pen6trer, et particulierement l'air, car je ne trouve pas encor qu'on reussisse en cela en Europe asses a mon gr6, pour faire des gros sacs ou coussins qu'on puisse enfler et coucher dessus.

Quant aux affaires de l'Europe, elles sont dans une assiette a nous faire porter envie aux Chinois. La mort du Roy d'Espagne a fait naistre une guerre terrible, qui decidera du sort de l'Europe. Celle qui est entre le Tzar et le Roy de Suede dure encor; mais comme celuyci au lieu de pousser les Moscovites a tourne ses forces contre la Pologne, estant entre dans le coeur de ce Royaume, les Moscovites ont repris vigueur et harcelent fort les provinces de la Suede qui leur sont exposees, ayant meme pris Notebourg, place de quelque consideration. Ils tachent aussi de s'elargir du coste de la mer noire bastissant une nouvelle forteresse et si le Sultan ne vouloit absolument conserver la paix aprhs une guerre ou I'Empire Ottoman a tant souffert, et s'il avoit voulu donner les mains aux solicitations des Tartares de la Crimee, il auroit peutestre deja recommence la guerre avec les Moscovites; dont le but paroist d'avoir encor quelque port sur la mer Baltique, mais ils у trouveront de la diffi- culte.

Le Roy de Suede avoit paru fort eloigne jusqu'icy d'une paix avec le Roy de Pologne, qu'il auroit bien voulu faire quitter son Royaume; ayant effectivement de son coste une grande faction de Polonnois et Lithua- niens qui tendoit a cela. Mais les affaires paroissent avoir change de face, et il semble que le Roy de Suede pourra enfin se resoudre a traiter avec le Roy et la Republique, dont il souhaiteroit la societe contre les Moscovites, a quoy cependant je ne crois pas que le Roy de Pologne donne les mains, car le Tzar Га assiste fidelement; et une paix perpetuelle ayant este faite entre les Polonnois et les Moscovites il у a dejii quelques annees les Polonnois n'ont point de sujet de rompre que je sache.

Mais laissons la ces affaires du Monde, qui n'interessent gueres la Chine, et revenons aux sciences. L'analyse des infinit6simales nous a donne moyen, a moy et к ceux qui ont pousse mes methodes, de re- soudre des difficultes, ou la Geometrie n'arrivoit pas auparavant. Par exemple personne avoit determine la figure de la chainette, que Galilei avoit cru estre la parabole. Or j'ay monstre que par le moyen d'une chainette bien subtile comme sont celles des monstres, suspendue par les deux bouts, on aura les logarithmes tous faits sans calcul aussi exac- tement que la grandeur, subtilite et flexibilite de la chainette le peut permettre. Je ne say aussi si je vous ay parle de ma science de la dyna- mique, ou des forces, ou j'ay trouv6 la veritable maniere de 1'estimer, tiree a priori des principes sublimes de la metaphysique reelle, et puis parfaitement conforme aux experiences: ou j'ay trouve non seulement qu'il est faux que la quantite de mouvement se conserve comme croy- oient les Cartesiens; mais que la force absolue (prise comme il faut) se conserve, au lieu que M. Mariette, M. de la Hire et autres depuis peu, n'ont qu'une conservation de quelque chose de respectif. J'ay trouve aussi qu'il у a autant d'action dans une heure que dans une autre, soit dans l'univers, soit dans des corps qu'on con?oit comme seuls commu- niquans entre eux.

Mais la quantite de Taction motrice, est bien diff6- rente de ce que les Cartesiens appellent la quantite de mouvement. Je fais voir de plus que la force est de l'essence de la substance corporelle, et que c'est Ventelechie des anciens, quoyqu'elle ait besoin d'estre de- terminee par le concours des corps ou par la premiere disposition de Dieu. C'est done par la consideration de la force que je justifie les anciens contre la philosophie trop materielle des modernes a qui j'accorde que tout se fait mecaniquement dans les corps, mais je leur monstre, qu'ils ne considferent pas assez que les principes memes du mecanisme viennent de quelque chose de plus haut que de ce qui n'est que materiel ou sujet к I'imagination.

Mais venons a ce qui est un des principaux sujets de vostre lettre, c'est le rapport de mon Arithm6tique binaire avec la figure de Fohii, qu'on croit un des plus anciens Rois et philosophes connus dans le monde, et comme fondateur de l'Empire et des sciences des Chinois. Cette figure estant done un des plus anciens monumens de science, qui se trouve aujourdhuy dans l'univers, qui passe ce semble l'antiquite de 4000 ans; et qui n'a peutestre point este entendu depuis quelques millenaries d'annees; c'est une chose bien surprenante, qu'elle convient parfaitement avec ma nouvelle maniere d'Arithmetique et qu'il a falu justement que je vous en ecrivisse dans le temps qu'il faloit, c'est a dire lors que vous vous appliquies au dechifrement de ces lignes.

Je vous avoue que moy meme, si je n'avois point etabli mes dy- adiques, je regarderois peut estre long temps ce systeme des Coua ou lignes de Fohi, sans en рёпё^ег le but. II у a bien plus de 20 ans que j'avois en tete cette Arithnretique par 0 et 1[,] dont je voyois les mer- veilleuses consёquences pour pousser la science des nombres к une perfection, qui passe tout ce qu'on en a; mais je reservois de me dёcouvriг Ik dessus jusqu'a ce que je fusse en estat d'en monstrer en meme temps les grandes utilit6s; mais mille autres occupations et limitations m'ayant етрёсЬё d'y travailler, je m'en ouvris enfin \k dessus (quoyque non encor dans aucun livre imprinre) afin qu'une ретёе de cette o^^quence ne perist point.

Et je suis ravi que c'est justement dans le temps ou vous avёs estё en estat d'en faire un usage aussi beau que celuy de dechifrer cet ancien monument de la Chine. En vёritё, il у paroist quelque direction de la Providence. Et je ne doute point que lors qu'on portera plus loin cette Arithntetique, comme on feroit bien tost, s'il у avoit quelques personnes capables et inclines к у travailler, ce ne soit un nouveau moyen de reveiller l'attention de l'Empereur et des principaux de la Chine, quoyque vostre dechifrement des Coua de Fohi aye dej^ de quoy les ёШппег.

Je trouve que le quarre est la тёте chose que le cercle de Fohi, et sert тёте a l'expliquer. Car l'ordre est un peu troubte dans le cercle. Je commence dans ce cercle par le bas du со81ё droit c'est a dire par II et II etc., ou par 0 et I, ou bien par 000000 et 000001. Car il faut regarder la figure comme si l'oeil estoit р1асё dans le centre, et commencer par les lignes proche du centre. C'est ce que monstrent aussi les cara^res, car ils paroissent tels qu'ils sont si on les regarde du centre, ou bien si on tourne ce cercle en sorte que cette partie du сага^ёге qui est la plus ёloignёe du centre soit le plus en haut, ce qui monstre alors la conve- nance avec les cara^res du quarre, qui paroissent ainsi les memes; de sorte quyk l^gard du cercle il n'y a point de haut ny bas, non plus qu'a l^gard du globe de la terre, ou le plus ёloignё du centre est pris pour le plus haut, et peutestre тёте que Fohi a eu ёgard a cela. Mais vous avёs pourtant eu raison, Mon T. R. Рёге d'y ёспге avco et катсо par rapport au quarre inscrit dans ce cercle.

Mais pour revenir aux Coua ou figures li^aires du cercle commen- qant de 0 et 1. du bas du costё droit, on remonte jusqu'au plus haut du С081ё droit, c'est a dire jusqu'amp; = (la ligne la plus proche du centre passant tousjours pour la ргегтёге), c'est к dire 011111, ou bien 31. Apres cela (au lieu de continuer dans le cercle et de passer au haut du coste gauche et en descendre); on recommence du coste gauche en bas pour у remonter; or du cost6 gauche en bas il у a II, c'est a dire 100000 ou 32, apparemment parce qu'ainsi 0 et 32 + 0 ou bien 1 et 32 + 1, ou 2 et 32 + 2 (qui exprimes binairement ne different qu'en ce que la figure lineaire

de Tun commence par — — ou 0, et celle de I'autre par               ou 1);

soyent vis к vis l'une de l'autre, en montant de bas en haut de part et d'autre, peut estre aussi qu'on a voulu que cela seroit к embarasser un peu, et к monstrer quelque difference apparente entre le Cercle, et le Quarr6.

En fin montant de bas en haut du coste gauche on finit par Ш , c'est к dire 111111 ou 63.

Quant au quarre inscrit, l'ordre у est parfaitement naturel en com- mengant par

000000 000001 000010 000001 0              12              3

ou il est к remarquer que l'ordre des nombres va de gauche a droite dans chaque ligne ou rang de nombres[,] et les lignes ou rangs se suivent de haut en bas; et l'un aussi bien que Pautre convient avec l'ordre suivant le quel nous ?crivons en Europe; contre la coustume des orientaux et des Chinois; il est vray cependant que dans chaque nombre il faut compter les lignes de bas en haut, к l'imitation peut estre du rapport au cercle [,] ou Гоп commence de bas en haut, en commengant par ce qui est plus proche du centre. Ce rapport d'un si ancien monument к l'Ecriture Europeenne, me fait souvenir d'avoir lu, que dans des tres anciens mon- umens orientaux il semble qu'on lisoit aussi к la fa9on d'Europe. C'est si je ne me trompe dans l'ecriture extraordinaire qui se trouve dans les ruines de Persepolis ou de Tschelminar, ой Гёсгкиге consiste en lignes et en triangles et pourroit bien estre зпїбтіеите a la Monarchie des Pers- es. On parle de cet ancien monument dans la relation de Figueroa Am- bassadeur d'Espagne en Perse, et dans celle qui se trouve parmi les recueils des voyages de feu M. Thevenot, et ailleurs.

Mais revenons au Calcul Dyadique qui ne se sert que de Rien et de Гипкё. Vous avёs fort bien goustё un de ses principaux usages pour la religion, qui est, que c'est un symbole admirable de la elation, c'est a dire de l'origine de toutes choses de Dieu seul, et du пёат sans aucune matiere preexistente; et que le N6ant non pas absolu mais respectif, c'est к dire la limitation se trouve essentiellement dans les creatures, a mesure de leur imperfection; cette limitation n'estant autre chose qu'une negation du progres ulterieur de la pure realite, ou du pur acte, comme lors qu'un cercle erst borne par sa circomference, qui luy met son non-plus- ultra. Et je crois que les savans de la Chine, quand ils entreront bien dans cette consideration et verront sur tout Г artifice de Fohi conforme au nostre, seront assez disposes a croire que ce grand homme a voulu encor representer Dieu auteur des choses, et la creation par la quelle il les a tirees du neant. Ainsi ce pourra estre un des plus considerables articles de vostre catechisme tire des auteurs Classiques de la Chine et digne d'estre explique a l'Empereur meme.

Pour ce qui est de l'usage de 1'ExpreSoion dyadique des nombres, c'est a dire par 1 et par 0 pour la perfection de la science Numerique; j'ay de demonstrations qui nous peuvent convaincre, que c'est un moyen de porter cette science bien au delk de son premier estat; car j'ay trouve que les quarres, les cubes, et les autres puissances des nombres naturels, ont aussi des periodes dans leur colonnes comme les nombres naturels, ce qui donne une facilite merveilleuse к les determiner et a en dresser des Tables en jouant et к decouvrir des rapports inconnus jus- qu'icy. Je trouve meme que cela fera des grands effects pour exprimer les grandeurs geometriques incommensurables par des series des nombres entiers qui approchent а ГіпГті; au lieu qu'il manque к 1'expression de Ludolphe de Ceulen pour le cercle (par exemple), qu'il n'y a point de ramp;gle pour la continuer. Mais n'ayant point de loisir pour pousser ces recherches en cas que je ne trouve point des gens qui ayent la capacite ou l'envie de m'assister, je laisseray a la posterite l'avantage qu'elle en pourra retirer plus grand que ne se peuvent imaginer ceux qui ne regar- dent que la superficie des choses.

Pour ce qui est de l'usage de la progression Geometrique double dans l'arrangement des idees, dont V. R. parle aussi, 1'ехрЄгіепсе m'a fait connoistre le grand usage des dichotomies pour la formation des notions. II est vray qu'on peut faire les dichotomies de differentes fagons, mais elles menent к un тёте but, c'est к dire aux memes expeces par des differens genres subalternes, et c'est ce qui fait que les memes termes peuvent recevoir des differentes definitions, dont pourtant I'Analyse monstre enfin la coincidence. Je croy qu'il у a peu de gens qui ayent plus travailie a l'ordonnance des Notions et qui у ayent un plus grand apparat. Mais au milieu des occupations et distractions, je ne saurois debrouiller mon cahos sans estre assiste par des personnes qui ayent plus de vigueur et plus de loisir que moy. Cependant si Dieu me donne encor quelques annees de vie, je feray des efforts pour mettre quelque ordre a ce travail, qui me paroist un des plus importans qu'on puisse entreprendre; puisque il donneroit un filum Ariadnes a la raison, c'est к dire une maniere palpable en forme de calcul pour se conduire, soit qu'il s'agisse de juger ou d'inventer.

Je soub?onne que Fohi a assigne les 64 nombres (soit simples soit redoubles en 128, ou plus avant), к des termes, qu'il a con?us comme les plus radicaux, et qu'il a donn6 к chacun de ces termes son caract?re qui designoit aussi son nombre ou rang; et que puis de ces termes et caractSres plus simples et capitaux, il a form6 les autres, en adjoutant des petits traitsf,] mais dans la suite des temps ces caracteres ont este alteres tant par la nature de l'usage populaire qui change peu a peu les traits (comme il se voit en comparant l'ancienne ecriture de quelque langue avec la moderne), que par ceux qui ne connoissant plus la raison ny la methode des caracteres, les accommodoient к leur caprices fondes souvent en n^taphores ou quelques autres rapports plus tegers. Si nous connoissions bien l'Histoire literaire Chinoise, que je souhaitois autres fois en vous ecrivant de voir establie selon la bonne critique, pour dis- cerner l'ancien et le moderne, nous en pourrions mieux juger. II у a de Papparence aussi que des differens princes ou philosophes on fait des differentes reformations dans les caracteres, dans la veue de les rendre meilleurs, mais n'ayant pas tousjours suivi les memes loix de grammaire ou d'Etymologie pour ainsi dire, les origines ont este enfin епиёгетеЩ obscurcies, encor plus que dans les lignes brisees de Fohi dont on avoit perdu 1'intelligence que nous venons de retrouver. Je serois bien aise de savoir ce que signifient les caracteres Chinois adjoutes a chaque nombre dans la ligure de Fohi, et supplie V. R. de m'en envoy ег I 'explication, pourveu que cela ne vous donne point trap d'embarras. Aparement ce sont des explications ou rapports modernes qu'on s'est fabriqu6 faute d'en connoistre le vray usage, c'est a dire le calcul par 0 et 1.

Si vous trouves que les Chinois d'aujourdhuy n'ont point de connoissance de ce calcul, V. R. ce pourra attribuer hardiment aupres de l'Empereur тёте et des principaux savans de la Chine Favantage, d'avoir dechifi^ la vёritable intelligence de la Figure de Fohi, et de ses lignes to^es, к l'aide d'une nouvelle dёcouverte venue d'Europe sur la maniere de calculer par 0 et par 1. Ce qui a mon avis ne doit pas parois- tre de peu de consequence, et doit relever chez les Chinois Festime des sciences Europeennes et par consequent de nostre religion. Cela meme les mettra dans une grande attente sur les myst?res encor caches, qui у restent к decouvrir, et nous donnera meme un champ libre pour inventer une caracteristique nouvelle, qui paroistra une suite de celle de Fohi, et qui donnera le commencement de I'analyse des idees, et de ce merveilleux calcul de la raison, dont j'ay le projet. Cette caracteristique secrete et sacree nous donneroit aussi moyen d'insinuer aux Chinois les plus importantes verites de la philosophie et de la theolo- gie naturelle pour faciliter le chemin к la revelee; et toute nouvelle ou differente qu'elle sera de la leur, elle sera recevable a la faveur de Fohi, et deviendra enfin comme un langage, particulier de la plus haute classe des savans les plus 6claires et les plus attaches к Fohi, jusqu'i meriter des corps ou des colleges к part. Ainsi cette decouverte pourroit avoir des grandes suites pour tout l'Empire Chinois, si chez vous ou plus tost en Europe on en savoit profiter.

Car maintenant que nous avons trouve la clef de ces lignes, et que les Chinois ne peuvent point douter que nous у avons reussi, nous se- rons incomparablement plus accredites chez eux. La caracteristique que nous pouvons bastir la dessus, et qui rapportant les idees aux nombres, aura en meme temps l'avantage de les soumettre au calcul comme les nombres, ce qui est au delamp; de tout ce qu'on s'est promis en ces mat- ieres; et que bien des gens non sans apparence de raison croiront impossible. Aussi faut il un tour pour cela[,] dont il n'est pas aise de s'aviser, mais qui porte sa demonstration avec luy. Juges [,] mon tres R. P.[,J si cela ne deuvroit point reveiller ceux qui s'interessent dans la perfection des fonctions de l'esprit humain, et sur tout dans le progres de la vertu et de la religion veritable; mais la guerre presente d'Europe, et peut estre 1'importance et grandeur meme de cette decouverte de la caracteristique generate diminue extremement mon esperance de la voir executee par l'assistance qui у seroit necessaire; parce qu'on peut douter si la providence ne la veut reserver к d'autres temps, ой les hommes soyent plus propres к s'attirer les graces du ciel.

Vous voyes par 1 amp;[,] mon T. R. P.[J qu'il ne seroit pas assez de former quelques divisions et sousdivisions pour venir aux especes, lors- que cela ne donneroit point une analyse capable de faire trouver les proprietes des especes par les caracteres qu'on leur auroit attribuees en vertu de ces divisions. En quoy il faut encor faire une grande difference entre les idees confuses et les distinctes. Car les caracteres des notions distinctes pourroient estre parfaits des apresent, mais ceux des confuses ne peuvent estre que provisionnels et proportionnes к ce qu'on у a re- connu de distinct, sauf a la posterite de les perfectionner suivant les nouvelles exp6riences. Et cette observation est importante, tant pour ne pas promettre ce qui est au del? du pouvoir present des hommes, et se rendre suspect de vanite, que pour savoir ce qu'il у a proprement к faire. Pour ce qui est des couleurs, les experiences du prisme font voir, qu'outre le blanc et le noir, les couleurs principales sont le jaune, le bleu, le rouge, qui fait le pourpre avec le bleu, et que le vert n'est qu'une combinaison du jaune et du bleu; et que cela se d6termine par la courbure des rayons dans la refraction, et non pas du seul blanc et noir metes. Mais cela soit dit en passant, et vous nyav€s allegue les couleurs que comme un exemple d'eclaircissement, ou cette regie a lieu qui dit exemplorum non re- quiritur Veritas. Je ne voudra aussi qu'on fit des sauts du 3me degr6 au sixihme, car ou la n^thode n'est pas trop bien fondee, ou elle ne doit point souffrir sans prejudice ces sortes de sauts. Les huit degres que les scholastiques donnent aux qualites (car je ne me souviens pas qu'Aristote les ait employ?s) sont venus de ce que s'imaginant deux des quatre ele- mens avoir tousjours une qualit6 commune, ils ont voulu mettre quatre degres dans chacun, par exemple 4 degr6s de chaleur dans le feu (comme font les chymistes), et 4 autres dans l'air.

Un certain Anglois nomme Suisset, appelle le Calculateur par excellence, qui a vecu il у a plus de 300 ans, rafina extremement sur l'intension et remission, c'est к dire sur les degr6s des qualites. Mais cette maniere de calculer ne paroist point convenir a nos caractfcres, les choses aussi bien que les notions ne differant pas gradu tantum, mais en bien d'autres manieres.

II semble cependant que le 8 Coua, ou huit figures lin6aires qui passent pour fondamentales chez les Chinois, pourroient faire croire que Fohy meme a eu en veue la creation, en faisant tout venir de l'un et du Neant, et qu'il a meme pousse le rapport к l'Histoire de la Genese. Car le 0 peut signifier le vuide qui ргёсМе la сгёайоп du ciel et de la terre, puis suivent les sept jours, dont chacun marque ce qui existoit et se trouvoit fait quand ce jour commen^oit. Au commencement du premier jour existoit 1, c'est к dire Dieu. Au commencement du second deux, le ciel et la terre estant crees pendant le premier. Enfin au com- mencement du septieme existoit deja le tout, c'est pourquoy le dernier est le plus parfait et le sabbat, car tout s'y trouve fait et rempli, ainsi 7 s'ecrit par 111 sans 0. Et ce n'est que dans cette татёге d'ecrire par 0 et par 1, que se voit la perfection du septenaire qui passe pour sacre, ou il est encor remarquable, que son caractere a du rapport a la Trinite.

Je crois de vous avoir mande autres fois qu'un Theologien de Berlin mort il у a quelques annees, nomme Andreas Mullerus Pomeranien de nation, profond assez dans la literature orientale et dans la connoissance de langues en general, et qui a donne des belles notes sur le Cathay de Marco Polo, croyoit d'avoir trouve quelque clef des caracteres Chinois, comme il a publie dans un petit papier imprime. Mais on sut, qu'il demandoit une somme considerable d'argent pour la decouvrir. Je le fis connoistre au Tres R. R Grimaldi, qui souhaita de luy parler en allant de Vienne en Pologne. Mais M. Mullerus ne vint point au rendes- vous. II avoit beaucoup de merite, mais il estoit capricieux a proportion. Feu Monseigneur l'Electeur de Brandebourg parut dispose к luy donner toute sorte de satisfaction, mais il ne fut point traitable, et se retira тёте de Berlin dans sa patrie. II menagoit de bruler ses papiers avant que de mourir, et on pretend qu'il a tenu parole. II ne paroist point qu'il ait connu le calcul cache sous les Coua de Fohy, aussi n'estoit il pas assez Mathematicien pour s'aviser d'une telle arithmetique. Cependant je ne saurois me persuader aisement qu'un homme de ce merite, ait voulu se vanter d'un secret, sans avoir du moins quelque apparence pour luy. Ainsi je soubgonne qu'il a entreveu quelque rapport des caracteres numeraires ordinaires des Chinois a leur caracteres radicaux des choses, et peut estre aussi quelques observations sur les petites additions qui varient les caracteres radicaux pour en faire des derives, ou peut- estre тёте de composes. Mais c'est de quoy V. R. et le R. P. Visdelou jugeront mieux que je ne pourrois. Car il faudroit que j'eusse des bons dictionnaires des caracteres Chinois, avec une explication ЕигорЄеппе, pour у penser.

V. R. me mande qu'on ne trouve point chez vous de tels dictionnaires. Mais il faut qu'on vous les cache. Car il est seur qu'il у en a et тёте d'imprimes, a ce que je me souviens. Ma preuve est fondee dans le Catalogue des Manuscrits orientaux de I'incomparable Golius; qu'on vendit a l'encant en Hollande a mon grand etonnement et regret, il у a environ six ans. Car с'estoit un tresor public digne du plus grand Roy, et que l'universite de Leide, aidee par Messieurs des Estats, ou par la So- ciet6 des Indes d'orient devoit se conserver. Or dans ce Catalogue je me souviens qu'il у avoit deux dictionnaires Chinois, l'un en Chinois et Espagnol, imprime je crois dans les Philippines, et je ne me souviens pas si Г autre estoit Portugais ou Flamand. J'espere d'avoir garde ce Catalogue et quand je seray de retour a Hanover, je tacheray de le trouver, pour vous marquer le tout distinctement. L'un de deux expliquoit asseure- ment les caractferes, mais je ne saurois dire si tous les deux le faisoient, ou si l'un ne s'attachoit peutestre pas seulement a la langue Chinoise. On me dit que la plus part de ces pieces ont passe en Angleterre.

Je ne say que dire des Hieroglyphes des Egyptiens, et j'ay de la peine a croire qu'ils ayent quelque convenance avec ceux des Chinois. Car il me semble que les caracteres Egyptiens sont plus populaires et vont trop a la ressemblance des choses sensibles, comme animaux et autres; et par consequent aux allegories; au lieu que les caracteres Chinois sont peutestre plus philosophiques et paroissent bastis sur des considerations plus intellectuelles, telles que donnent les nombres, l'ordre, et les relations; ainsi il n'y a que des traits detaches qui ne butent a aucune ressemblance avec quelque espece de corps. Je say que plusieurs ont cru que les Chinois estoient une Colonie des Egyptiens, fondes sur la pretendue convenance des caracteres, mais il n'y a aucune appar- ence. On a un ancien livre sur les hieroglyphes des Egyptiens d'un Horapollo; on voit aussi dans Ammian Marcelin si je ne me trompe, l'explication des caracteres d'un obeiisque qui se trouve encor h Rome. Pierius Valerianus, le P. Kircher dans son Oedipus Aegyptiacus, Obelis- cus Pamphilius, et autres ouvrages, et Laur. Pignorius in Mensa Isiaca explicata, (qui est une ancienne piece pleine d'hieroglyphes Egyptiens, que j'ay appris se trouver apresent dans le Cabinet du Due de Savoye) ont tache d'eclaircir ces Hieroglyphes. Je vous conseillerois d'avoir et employer ces livres si je croyois qu'ils pouvoient servir en aucune fa?on a l'intelligence des caracteres de la Chine. Feu Mons. Thevenot35 Bib- liothecaire du Roy a fait publier un livre des caracteres dont se servoient autres fois les Mexicains. Mais je crois qu'ils n'ont point de rapport ny aux Chinois, ny aux Egyptiens. Apropos du Tres R. P, Grimaldi dont je viens de parler Ъ. 1'occasion de la Clef Chinoise de feu Mons. Andre Muller; je suis ravi qu'il se souvient de moy favorablement, mais fache que sa sante n'est pas des plus vigoureuses. Je supplie V. R. de luy marquer combien je l'honnore et combien je m'interesse a sa sante. J'ay encor ordre de le saluer de la part du tres R. P. Vota confesseur du

Roy de Pologne, qui vient de quitter Berlin, ou il a este quelque peu de temps comme aussi a Hanover ой il avoit suivi la Reine de Prusse. II est alle maintenant retrouver le Roy son maistre pour l'assister pendant la semaine sainte. 11 m'a dit que la relation du voyage que le P. Grimaldi luy avoit envoyee a este perdue Гаппёе passee avec d'autres papiers et bagage lors que Tarmee du Roy de Pologne fut mise en desordre par celle du Roy de Suede, les deux Rois estant presens, par une terreur panique des Polonnois et puis des Saxons. Car il n'y a rien de si con- tagieux que la crainte. II souhaiteroit fort, et moy aussi d'avoir cette relation. Ainsi si le tres R. P. Grimaldi nous en favorisera, je supplie V. R. de me Fenvoyer aussi bien que les observations astronomiques que j'espere qu'on pourra obtenir de luy et d'autres amis.

Ce que V. R. me communique dans les deux dernieres pages de sa lettre, touchant les marques du culte d'un souverain Dieu, et des traces de la veritable religion revelee, chez les anciens Chinois, qui se trouvent dans leur caracteres, et dans leur livres classiques, me paroist con- sid6rable. J'ay tousjours eu du penchant a croire que les anciens Chinois, comme les anciens Arabes, (temoin le livre de Job) et peutestre les anciens Celtes, (c'est a dire Germains et Gaulois) ont est6 ёloignёs de l'idolatrie, et plustost adorateurs du souverain principe. Cluveriusdans sa Germania antiqua, excellent homme sans doute, est alle jusqu'a croire que les vieux Germains avoient eu quelque connoissance de laTrin- ite. Je ne suis point de son sentiment, cependant je ne voy pas qu'on luy ait fait le pnx?s pour cela. Et je trouve estrange qu'on a fait tant de bruit contre vos Рёге8, qui ont ёсгк que les anciens Chinois avoient la vraye religion. Quel mal у at-il en cela? Quand il seroit faux; est ce une erreur qui fasse naistre des dangereuses consёquences? point du tout.

lt; Plut a Dieu qu'il fut vray, et que les Chinois le crussent. Mettons les passions a part, cela ne peut venir que des preventions de quelque bonnes gens, qui entest?s d'eux meme et de la grace particuliere qu'ils croyent aisement que Dieu leur а ассо^ё (a peu presque comme une jeune De- moisselledu pay de Lunebourg sage d'ailleurs mais qui regardoit le monde de haut en bas parce qu'elle se croyoit epouse de Jesus Christ qui lui appa- raissoit) et n'ayant pas ass6s la сЬагкё c'est amp; dire la bienveillance universale sont les antipodes de ce Caelius Secundus Curio, qui a ecrit de amplitudine Regni Coelestis, et sont prests adamnerjusq'aux enfans morts sans bapteme. Ce qui marque l'estrange idee qu'ils devoient avoir de Dieu, s'ils consideroient assez les suites de se qu'ils luy attribuentgt;

Plut h Dieu que les Chinois n'en eussent point d'autres.

Au reste je vous supplied] Mon tres R. P.[J de vous souvenir des Pater en differentes langues; si on у pouvoit adjouter un petit catalogue d'autres mots fort usites ce seroit tant mieux. Item de vous souvenir de la Geographie de la Tartarie, avec les remarques sur la Carte de M. Witsen que vous ne manqueres pas d'avoir chez vous. Item de faire souvenir le P. Grimaldi et autres de me faire avoir de vieille observations Chinoises; et meme quelques bonnes observations modernes, sur tout si vous en aves de l'Eclipse de Tan .... ce qui serviroit a bien etablir le meridien de Pekin. Je souhaiterois aussi de savoir si on ne peut apprendre quelque chose de plus particulier sur cette ancienne conjonction de toutes les planetes, par laquelle un ancien Empereur а commence le Cycle dont les Chinois se servent dans leur Chronologie. Je repete aussi mes prieres sur la manufacture du papier de la Chine, sur la maniere d'enfermer Fair dans le cuir ou dans une autre etoffe en sorte que presse тёте bien fort, il ne sorte point par les pores. Item touchant les Hebreux qu'on racon- te estre dans la Chine de temps immemorial, dont je crois vous avoir ecrit, a fin de savoir s'il se peut, s'ils ont le vieux testament НёЬгеи entier ou seulement le Pentateuche et Josue comme les Samaritains; et quelle est leur ecriture, si c'est la Samaritaine qui est la plus ancienne, ou celle dont les Juifs se servent encor aujourdhuy, qu'on croit avoir este apporte de Babylone. Item s'ils ont des points et accents ou non. Et si j'ay supplie de quelque autre chose, ou vostre Reverence ou le P. Grimaldi, je le repete et vous supplie d'y penser a vostre loisir avec vos amis, comme aussi aux questions de M. Schrokius ou du feu P. Kochanski. Et de ne pas mepriser тёте la question que je crois avoir faite sur les maladies, entre autres si la goutte et la pierre est aussi frequente a la Chine qu'en Europe, item la petite verole, et тёте l'autre. Car toutes ces notices sont de consequence. Item si les Chinois n'ont pas des remedes aussi seurs contre quelques maux que le Quinquina l'est contre la fieuvre et l'lpecacuanha contre la dysenterie. Je me souviens encor d'avoir lfi dans des livres qui par- lent de la Chine et si je ne [me] trompe dans I'Atlas du P. Martinius, que les Chinois ont le moyen de faire de la soye deux fois par an, dans un тёте endroit et des memes meuriers. II seroit bon de savoir s'il est vray et en quoy il consiste. Enfin je prie Dieu qu'il vous conserve long temps, et qu'il vous donne tousjours des bons succhs dans vos beaux desseins, estant avec zele

Mon tres R6verend Рёге Vostre

P. S. Je demande pardon a V. R. de m'estre aidё d'une autre main par ce que je suis assez етрёсЬё, et ne me porte pas trop bien. J'ay rega^ (depuis avoir ёсгк et fait copier ce qui prёcёde) les caracteres de Fohy, dans le Confutius de Paris qu'on imprima sur les ntemoires du R. P. Couplet, ou je ne trouve que les 4 et les huit coua bien rangёs, les 64 sont dom^s dans un ordre troubte. Mais on у a adjoutё des significations, 8ирро5ёе8 apparemment comme air, eau, etc. qu'on croit ou croy- oit que ces figures lh^aires signifient. Est ce peut estie que les caxacthres amp; l'entour du cercle ітргіпю que vous т^ё8 етюуё signifient aussi ce qui est та^иё dans le Confucius de Paris? Je vous supplie de Гехатіпег[,] топ T. R. P.[,] et de me le faire savoir. Car je ne doute point que vous n'ayiёs к Рёкт ce livre imprinre к Paris.

Je diray encor к V. R. au sujet des dictionnaires Chinois que je crois d'avoir depuis ma lettre ёсгке trouv6 icy dans la Biblio^que du Roy de Prusse un des deux dictionnaires mention^s dans le Catalogue des Ms. de Golius, savoir celuy qui est en Chinois et en Espagnol. Je voy que ce dictionnaire, qui est en Manuscrit, explique proprement la langue Chinoise et non les cara^res, quoyque к chaque mot de la langue on adjoute son сага^ёге Chinois. On m'a раг1ё autres fois d'un grand dictionnaire des cara^res арре11ё Haipin, ou Осёап; qui se trouve sans doute assez dans la Chine mais non pas expliq^ dans quelque langue d'Europe. Cependant cet autre dictionnaire ou Vocabulaire plustost avec des figures des choses dont j'ay parle dans ma prёcёdente, et que V. R. me fait езрёгег me paroist curieux et commode.

Si Vos Rёvёгences me font la grace de me destiner quelque chose soit de physique, soit matl^matique, des arts des langues ou de la Gёogra- phie, je supplie V. R. ou de le faire adresser ou de marquer bien claire- ment к vos amis a Paris, qu'ils me le communiquent: autrement j'auray de la peine к en profiter: et je n'ay rien encor pu apprendre en dёtail ou me faire communiquer de tout ce que le Тгё8 R. P. Fontenay avoit ap- рог!ё; et sur quoy je solicite encor. Peutestre que ces choses ont d6jк passe en d'autres mains.

Comme ce Pere m'a ecrit un mot de lettre de Canton apr?s son retour, et d'une ташёге fort obligeante pour repondre a celle que je m'estois donne l'honneur de luy ecrire, lorsqu'il estoit к Paris, j'y repli- que par la cyjointe, que je supplie V. R. de luy faire rendre.

Le titre du dictionnaire Chinois-Espagnol dont je viens de parler est: Vocabulario de letra China con la explication Castellana hecho con gran propriedad у abundancia de palabras por el Padre Don Francisco Diaz de la Orden de Predicatores ministro incansable en esto Reyno de China.

Apropos des mulets qui engendrent dans la Tartarie on m'a sugg6re un passage de Strabon qui en dit autant des mulets de Capadoce.

Le monument de Chrestiens qui ont este dans la Chine il у a plus de mille ans que le P. Kircher a publie subsistet-il encor? Je voudrais une relation bien appuyee des temoignages Chinois memes pris de leur reg- istres de ce temps pour fermer la bouche a des gens qui osent dire que les Chrestiens modernes l'ont suppose. Ce qui ne me paroist pas croy- able, quand j'en considёre le contenu.

Autres fois, mon trhs R. P. vous m'av6s envoy? un pater dans la langue des Tartares Chinois, mais il me semble que vous me disiёs de l'avoir йэгтё: ainsi si celuy qui est us^ parmy les Tartares Chrestiens en est diffёrent, je vous supplie de me l'envoyer parmy les autres.

Depuis j'avois ёсгк cecy, j'ay trouv6 dans la Bibliotl^que du Roy de Prusse encor un petit dictionnaire Latin avec des cara^res et mots Chinois; imprint dans la Chine тёте apparemment par les soins des RR, PP. Jёsuites: mais ce petit dictionnaire ne contient que les mots plus ^cessaires.

Je vous supplie enfin de faire tenir la cyjointe au Tres R. P. de Fon- tenay qui repond к celle qu'il m'a fait l'honneur d'ecrire de Canton du 15 Sept. 1701 et que j'ay receue plusieurs mois avant la vostre. Je luy envoye un Catalogue de questions, le suppliant de penser selon sa commode de me donner des lun^res Ik dessus, et je vous supplie d'y concourir avec luy, comme s'il estoit aussi pour vous; comme il l'est en effect.

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Источник: Лейбниц Г. В.. Письма и эссе о китайской философии и двоичной системе исчисления. — М.,2005. — 404 с.. 2005

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